« Ces morceaux de villes à la dérive, ces bidonvilles, sont pourtant des villes, et l’historien de l’économie des villes, Paul Bairoch, l’affirme haut et clair : « il n’y a pas de doute que le bidonville est moins négatif que ‘‘l’expert touriste’’ ne pouvait le déduire d’une visite ou d’une brève étude. Il ne faut pas comparer les conditions de logement du bidonville avec celles de la ville – et encore moins avec celles des villes riches-, mais avec celles qui existent dans le milieu rural d’où est issu l’immigrant.» Plus loin, il précise « … Le bidonville, comme phase de transition, remplit incontestablement un rôle plus positif qu’on ne le supposait, et ce d’autant plus qu’il est le lieu géographique où s’exercent les activités du secteur informel. » Peut-on pour autant considérer le bidonville comme « un moment » du développement, un « passage obligé » en quelque sorte que chaque société en voie d’industrialisation doit nécessairement connaître ? On ne peut que constater que toutes les sociétés ont connu à une étape de leur histoire urbaine une "taudification" de certains quartiers et la prolifération de bidonvilles. On peut même chiffrer démographiquement ces phénomènes. Mais cette question génère plusieurs réponses. » |
Ici Thierry Paquot énonce très bien le problème : le bidonville est-il une ville et est-ce qu’il est une étape obligatoire dans l’évolution de la ville ?
Nous allons tenter de déterminer, d’un côté
les caractéristiques des bidonvilles qui le différencient de la
ville, qui le marginalisent, et d’un autre côté les caractéristiques
qui en font une ville à part entière. Puis nous étudierons
en quoi le bidonville est un espace de transition.
Cette étude devrait nous permettre de mieux connaître les différentes
composantes du bidonville afin de balayer certains clichés et permettre
de déterminer ses potentialités et ses carences.
La première caractéristique qui sort totalement
le bidonville de la ville est son illégalité. C'est-à-dire
que de nombreux bidonvilles ne sont tout bonnement pas reconnus en tant que
tels. Officiellement les cartes ne les mentionnent pas et leurs habitants n’existent
pas. Les bidonvillois vivent dans une sorte de non-lieu et ressentent un sentiment
d’humiliation. Abdelmalek Sayad, qui a vécu plusieurs années
dans une baraque, raconte : « Le bidonville, c'est aussi l'histoire de
la "ville qui n'existait pas", -une honte refoulée- auquel
on a refusé le statut de réalité»
De plus ils ne peuvent pas se projeter dans l’avenir, ni tenter d’améliorer
leur habitat car ils restent perpétuellement sous la menace de l’expulsion
qui réduirait à néant leurs efforts. Donc les conditions
de vie stagnent, les gens préférant manger un peu plus, plutôt
que de réparer un toit ou agrandir une pièce. Cela détermine
aussi un type de construction "démontable" : «Les maisons
en bois sont plus chères que celles en dure mais le terrain ne nous appartient
pas ; on a aucun papier de la mairie ni du gouvernement. Alors on construit
en bois»
Contrairement aux centres villes qui donnent une certaine image
de richesse, il y a dans le bidonville une misère omniprésente.
La pauvreté constitue le fond de tableau de l’ensemble du bidonville.
Le taux de chômage dans les bidonvilles est souvent très haut et
les actifs sont des petits salariés ou des ouvriers peu qualifiés.
Dans les bidonvilles dakarois comme Pikine, 25% de la population est inactive.
Dans la majorité des cas, seul le père travaille et il doit nourrir
une famille nombreuse. Les gens vivent donc avec des moyens bien inférieurs
à ceux des citadins.
Dans beaucoup de bidonvilles des pays en voie de développement, on vit
avec environ 1 euro par personne et par jour. En ville cela couvre à
peine un café dans un bar. A Dharavi, bidonville indien, on vivait en
1995 avec en moyenne $23 par mois et par personne ! Le prix d’un bon menu
dans un pays occidental… Certaines familles gagnent plus que cela mais
elles ne gagnent pas suffisamment pour se nourrir et se loger en même
temps ; elles sont donc condamnées à rester dans le bidonville.
D’autres auraient même les moyens de vivre dans un logement social
mais ils doivent envoyer de l’argent à leur famille restée
à la campagne, le bidonville reste donc leur unique solution.
Le contraste économico-social entre la ville et les quartiers spontanés
se révèle considérable. L’image des baraques de tôle
méprisées par un CBD tout proche ou bien celle des jonques aux
pieds des gratte-ciel Hongkongais est réellement saisissante et choquante.
Il faut se mettre à la place des bidonvillois qui se font narguer tous
les jours par ces symboles de la richesse et du pouvoir pour comprendre l’impression
de marginalité qu’ils peuvent ressentir.
De nombreux témoignages d’habitants des bidonvilles insistent sur
les humiliations qu’ils ont du subir et sur la honte quotidienne qu’ils
pouvaient ressentir lorsqu’ils se trouvaient en contact avec des citadins
« normaux ». C’est d’autant plus vrai dans les pays
où la proportion de population vivant dans un bidonville est assez faible.
Par exemple la boue peut devenir une véritable calamité car elle
montre aux autres leur appartenance au bidonville. Au point où beaucoup
emportent deux paires de chaussures pour en avoir toujours une de propre afin
de ne pas montrer leur situation. Cependant, dans les villes ou presque 50%
de la population urbaine vit dans des bidonvilles, la situation du bidonvillois
a pris un caractère de normalité et le rejet est bien plus faible.
Ce qui différencie beaucoup les quartiers d’habitat
spontané de la ville, c’est qu’ils ne sont pas, ou peu, dotés
d’équipements et services urbains qui permettent à la ville
d’être un lieu confortable. Pas d’égout, pas de raccordement
à l’eau, pas d’électricité, pas de voie carrossable,
pas de ramassage d’ordures, pas de police, pas d’équipements
sanitaires, pas d’équipement éducatif, etc.… Ce sont
pourtant des équipements élémentaires.
L’eau est un des éléments les plus importants et est évoqué
dans tous les bidonvilles du monde. L’eau, c’est la corvée
de tous, femmes, hommes, enfants. Il faut souvent aller la chercher à
plusieurs centaines de mètres à une fontaine où il faut
ensuite faire la queue. Ou bien dans certains endroits les bidonvillois doivent
payer leur eau et elle revient parfois deux fois plus cher que pour les gens
habitants les quartiers riches.
D'autre part, l'absence de mobilier urbain peut paraître un détail
mais c'est un signe très marquant du statut de non-ville.
Ces carences font du bidonville un lieu inconfortable au quotidien, et le rendent
de jour en jour, de plus en plus insalubre.
Contrairement à la ville qui se développe beaucoup
sur la verticalité, les zones d’habitat spontané ne peuvent
quant à elle grandir que sous la forme d’une tache d’huile.
Autant la ville peut se densifier sans qu’il ne s’installe un surpeuplement,
autant la densification d’un bidonville mène directement vers une
congestion totale de l’espace. La densité dans le bidonville est
liée à la taille moyenne des parcelles et à la taille moyenne
des familles.
Dans de nombreux bidonvilles, la densité atteint le chiffre effarant
de un habitant pour 10 m2. Est–ce suffisant comme espace vital pour une
personne ? En tous cas, cette grande promiscuité induit des comportements
familiaux et sociaux spécifiques. La notion de voisinage dans le bidonville
prend un sens totalement différent que celui de la ville. Anonymat et
intimité sont dans ces conditions assez difficiles à obtenir.
Dans la mégapole indienne de Mumbai, la densité moyenne est de
24 200 habitants par km2. Celle de son plus grand bidonville est de 100 000
habitants par km2, c'est-à-dire quatre fois plus forte (et sans étage).
Exemple des favelas
ville de Rio | Favelas | |
Salaire mensuel moyen | $701 | $205 |
Nombre d’habitants par maison | 3.5 | 3.98 |
Nombre de pièces par maison | 4.8 | 4.06 |
% de personne gagnant $1200 ou plus | 15.1% | 0.61% |
% de personne gagnant $240 ou moins | 35.5% | 72.3% |
% de personnes ayant fait 15 ans d’école | 16.7% | 1.07% |
% de personnes illétrées | 6.1% | 15.36% |
Pas de connections au réseau d’égout | 8.9% | 36.74% |
Pas de connections au réseau d’eau | 3.9% | 15.41% |
Mauvais ramassage poubelles | 4.3% | 21.23% |
Sources : statistiques réalisée en 1997
par le comité des "100 ans des favelas"
Cette comparaison entre la ville de Rio et les favelas qui l’entourent montre bien la grande différence sociale et de qualité de vie qui les sépare. Le contraste est en particulier fort en ce qui concerne les équipements urbains et les revenus des habitants. Par contre dans les favelas, la densité n’est pas trop importante et les habitations sont relativement grandes. Cela est du au fait que ces bidonvilles sont très vieux et qu’ils n’ont pas trop subi de déguerpissements, aussi les abris ont eu le temps d’évoluer en petites maisons pas trop inconfortables.
Le bidonville comme repère de la délinquance,
de la criminalité, de prostitution et de trafics de tout genre est un
argument souvent utilisé pour justifier la destruction de zone d’habitats
précaires. En effet, peu de bidonvilles sont sujets à un contrôle
policier. Si il est vrai qu’il règne une certaine insécurité
dans de nombreux bidonvilles, elle n’est pas pour autant aussi prononcée
que ce que les gouvernements prétendent.
Il est plus juste de dire que c’est le siège de nombreuses activités
informelles qui permettent de faire vivre une grande partie de la population.
Ce secteur informel propre au bidonville ne fonctionne pas uniquement en autarcie
mais aussi en parallèle avec le secteur formel de la ville et il est
un facteur déterminant de l’économie de l’ensemble
de l’agglomération.
L’image d’insécurité marginalise le bidonville alors
qu’il faudrait tenter d’exploiter un secteur informel dynamique.
Néanmoins certains bidonvilles, en Inde par exemple, hébergent
des mafias très dangereuses qui profitent d’un contrôle quasi
inexistant.
L'accès à l'eau est un élément clé pour la survie de l'homme, mais s'en procurer dans les bidonvilles est une difficulté quotidienne : |
Fig. 7 Bidonville asiatique construit sur pilotis au bord d'un fleuve
|
Fig. 8 Bidonville de Bombay Dans ce bidonville indien, l'eau ne fait que passer pour alimenter le centre de la ville. Ironiquement cette canalisation sert de voie de circulation. |
Le logement familial est l’élément constitutif principal du bidonville. Contrairement à la ville, ce logement est bien plus qu’un produit marchand, c’est un véritable combat. Cet abri réalisé à la sueur du front de ses habitants est généralement leur unique bien. C’est le résultat d’une activité et d’un entretien constant. Ce sont des abris très fragiles qui souffrent de la moindre intempérie climatique et qui sont très vulnérables aux incendies.
Voici des propos recueillis dans un gourbiville tunisien : « Quand il pleut, nous sortons de peur que les maisons s’effondrent sur nous. Nous arrivons déjà à peine à manger, on ne va pas se permettre d’améliorer la maison. » Un abri que l’on ne peut même pas utiliser lorsqu’on en a le plus besoin, c’est aussi paradoxal que dramatique, mais c’est le sort de beaucoup de bidonvillois.
Aussi précaire soit-il, le logement dans un bidonville
s’apparente bien plus à une maison qu’à un logement
de ville. Sa composition est d’ailleurs en totale relation avec les logements
ruraux d’où vient la communauté bidonvilloise. Le plan des
baraques est le reflet d’un mode de vie et d’une culture traditionnelle
de l’habitat. Chaque peuple a donc sa propre typologie de logement qu’il
exporte dans le bidonville. Il est important pour l’architecte de comparer
et d’étudier ces différentes typologies afin de comprendre
les parcours, la relation publique privée, la composition familiale,
le rôle de la femme, etc. … Autant d’éléments
qui sont déterminants pour concevoir des logements qui correspondent
à un mode de vie.
Dans presque tous les bidonvilles du monde, la cour est un élément
extrêmement important qui cumule plusieurs fonctions essentielles. C’est
tout d’abord l’espace tampon entre l’extérieur public
et l’intérieur privé. C’est aussi un espace de stockage
et de travail. Toutes les activités que l’on n’a pas la place
de faire dans la maison sont effectuées dans la cour qui devient ainsi
un espace de vie très important pour la famille (bricolage, linges, cuisine,
jeux...). Enfin la cour c’est un lieu à vocation sociale. C’est
là où femmes et enfants se réunissent pour jouer et discuter.
La cour est un élément que l’on ne retrouve pas dans les
logements urbains, notamment dans les logements sociaux où l’on
recase parfois les bidonvillois. C’est pourquoi les personnes relogées
dans des HLM ont souvent énormément de mal à s’adapter
aux logements qui leur impose un mode de vie différent du leur. D’ailleurs,
il est intéressant de regarder la façon avec laquelle les nouveaux
locataires investissent les lieux et détournent les fonctions des différentes
pièces des appartements.
La maison est donc un combat pour deux raisons :
- parce que c’est une lutte incessante pour la construire et la maintenir
face aux intempéries
- parce que la maison constitue une résistance à un mode vie imposé
par la ville, une lutte pour la conservation de son identité.
Comparaison de plusieurs typologies de logements :
Fig. 9 Exemple d'une baraque de Nanterre (relevé de 1966) Ici la notion d'un parcours du public vers le privé est évidente : A' : entrée de la cour A : cour B : cuisine C : chambre des enfants les plus âgés D : chambre des parents et des jeunes enfants (E : zone de stockage du charbon) |
Fig. 10 Exemple d'une maison dans un bidonville indonésien Il y a une séparation nette entre l'espace intime de la chambre et les zones de service telles que la cuisine et la salle d'eau. La famille prend ses repas dans la cour, qui est donc un endroit à caractère privé. |
Voici un exemple de plan des logements qui ont servi à recaser les familles
des bidonvilles. On constate qu'il n'existe aucune corrélation entre
ce plan et celui des maisons d'où viennent les personnes impliquées.
Il est pratiquement impossible aux familles de pratiquer leur propre mode de
vie. En fait on leur impose un nouveau modèle qui ne leur convient pas.
Soit ils partent, soit ils tentent d'adapter tant bien que mal leur logement
à leur culture.
Fig. 11 Plan de logements sociaux standard |
Les barrières qui séparent le bidonville de la
ville sont de plusieurs types mais toutes participent à l’isolement
des bidonvillois.
On trouve tout d’abord des limites physiques telles q’une autoroute,
une voie ferrée, une rivière ou même un mur. Elles sont
rendues d’autant plus pénalisantes par le fait qu’il n’existe
pas d’infrastructure permettant de les franchir. Il n’y a pas de
ponts ni de passerelles suffisamment nombreux pour permettre un lien entre bidonville
et ville. En fait, réseaux et infrastructures ne vont pas vers le bidonville,
ce qui coupe ce dernier de son environnement.
Les bidonvillois qui doivent se rendre en ville pour le travail souffrent aussi
d’un manque de transports en commun. En effet, les zones d’habitat
spontané sont toujours peu ou très mal desservies, éloignant
encore plus le bidonville des centres d'activités.
D'autre part, le bidonville est psychologiquement écarté de la
ville dans la mesure où il n’a pas du tout le même langage
qu’elle. Même s'il se situe contre la ville, il n’est pas
construit avec la même logique, le tissu urbain est extrêmement
différent, les équipements et le mobilier urbain sont inexistants,
il y a peu d’éclairage la nuit, etc. … Bref, le bidonville
se démarque visuellement, on sait immédiatement lorsqu’on
s’y trouve et ses frontières sont très nettes. La société
qui y vit ne peut donc que se sentir marginalisée, le bidonville étant
à la fois placé "loin" de la ville et stigmatisé.
Selon Albert Camus, "la pauvreté devient une forteresse sans pont-levis".
Le bidonville, foyer de misère, est un exemple frappant de cette forteresse
repliée sur elle-même. Aux urbanistes et architectes de savoir
l’ouvrir en créant des ponts vers la ville, au sens propre et au
sens figuré.
Sur la page ci-contre, nous avons l’exemple d’un
bidonville à Lima.
Comme beaucoup, il s’est tout d’abord installé aux franges
de la ville, sur des terrains vagues. Puis il s’est développé
en suivant sa propre logique, c'est-à-dire autour d’une voie piétonne
centrale. De son côté la ville a aussi grandi, elle a rejoint la
zone d'habitat spontané et elle l'a totalement cernée en suivant
elle aussi sa propre trame urbaine. Ni le bidonville, ni la ville n’a
tenu compte de l’autre. On a assisté à un développement
parallèle mais totalement séparé.
Les conséquences urbaines sont très nettes. Le bidonville est
devenu un îlot dans la ville et pourtant il semble complètement
hors de la ville. Le tissu urbain et le tissu du bidonville se font face mais
ne communiquent pas. La limite entre les deux est très franche sur la
photo et elle est totalement palpable sur le terrain. Le bidonville est à
l'image d'une île au cœur de la ville. Il ne peut plus s'accroître,
il est comme enkysté dans le tissu urbain.
Le développement de cette ville est une caricature de la non intégration
des zones d’habitats spontanés. Plutôt que de tenter de faire
participer les bidonvillois à la ville et de leur faire profiter des
équipements urbains, la ville a grandi en niant le bidonville. Ce qui
aurait pu être une richesse urbaine, un quartier qui anime la ville (ainsi
que sa trame), est resté un ghetto de misère ostensiblement délaissé.
"Insertion" dans la trame urbaine
au fil des années |
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Fig. 12 Le quartier marginal de Mendocita à Lima |
Deux tissus qui se côtoient et s’affrontent.
Fig. 13 Vue aérienne de Mendocita en 1961 |
Comme nous avons pu le constater dans le chapitre précédent, le bidonville manque de nombreux aspects d’urbanité et souffre d’un rejet de la ville. Néanmoins, il constitue une unité qui rassemble un certain nombre de qualités que nous allons étudier.
La maison, la baraque, qu’importe comment on la nomme,
est quasiment l’unique élément qui constitue le tissu du
bidonville. C’est sur ce module que s’organise l’espace. C’est
donc la taille des parcelles qui va conditionner la morphologie du bidonville.
Elles ne sont jamais bien grandes, se situant généralement entre
50 et 150 m².
Les espaces de circulation sont minimums et les espaces publics sont presque
inexistants. Néanmoins, les voies de passage (presque toujours piétonnes)
sont hiérarchisées. On ne retrouve pas exactement la même
logique partout mais globalement le schéma est le suivant :
- une ou des rues principales. Elles sont relativement larges et peu nombreuses.
Elles servent d’espace public. Souvent elles sont cachées de l’extérieur
par un coude, ce qui leur confère une certaine intimité. C’est
une manière de se protéger de l’extérieur.
- des ruelles. Elles sont étroites et utilisées comme un espace
semi-public.
- un réseau d’impasses semi-publiques qui desservent plusieurs
cours privées. Dans certains bidonvilles elles ont une porte à
leur entrée, afin d’être utilisée comme un espace
commun par les personnes qui vivent autour.
Le niveau d’entretien est lié à cette hiérarchie
: plus l’espace est privé, plus il est soigné et entretenu
: dans la rue principale, déchets et immondices ; dans la chambre, propreté
et coquetteries.
Les commerces et artisans se regroupent sur le pourtour du bidonville, notamment aux niveaux des "portes", et sur les voies principales. Ceci contribue à renforcer le caractère autonome du bidonville.
La plupart du temps, la communauté du bidonville a son
chef, (normalement désigné parmi les anciens ayant un minimum
de charisme). Cette personne est responsable du terrain et peut attribuer des
parcelles aux nouveaux arrivants en déterminant leur taille et leur emplacement.
Beaucoup de bidonvilles se sont dotés d’une milice afin de se protéger
de la criminalité, la police de l’état ne faisant pas ce
travail. Pour les zones d’habitat spontané sujet aux incendies,
on a aussi instauré des tours de garde la nuit pour guetter le moindre
départ de feu qui pourrait être fatal.
Le bidonville, loin d’être un lieu aléatoire
où règne le chaos, est un espace spatialement et politiquement
organisé, qui tente avec ses propres moyens de répondre à
ses besoins et de reproduire une structure connue.
« Loin d’être un habitat chaotique, le bidonville constituait
surtout une claire manifestation des structures sociales et culturelles d’une
minorité ségréguée»
Si l'on compare ce plan de bidonville principalement habité
par des maghrébins, avec le plan d'une ville arabe ancienne, on note
effectivement un certain nombre de similitudes :
- les équipements groupés à l'entrée.
- la rue principale faisant un coude pour empêcher les perspectives directes.
- le groupe compact de maisons, qui ont en fait la même organisation intérieure
autour d'une cour.
Le tissu du bidonville apparaît donc comme une transposition des modèles propres à la culture des immigrants.
Fig. 14 Ksar du Sud marocain | |
Fig.15 Plan du bidonville de Nanterre, Santelli et Herpin, bidonville à Nanterre (relevé de 66) Ce plan est un rare exemple de bidonvilles ayant été cartographiés
En noir : espace public |
C’est un espace social pour plusieurs raisons.
Tout d’abord c’est le lieu où se regroupent des populations
venant du même milieu. En effet on remarque que dans les bidonvilles,
les gens se répartissent suivant leur provenance. Dans les pays développés,
on peut avoir d’un côté les algériens, de l’autre
les kurdes et dans les bidonvilles du Tiers-monde la répartition se fait
en fonction des différentes régions, des différentes religions.
Une zone d’habitat spontané est donc une communauté ou un
ensemble de plusieurs communautés qui partagent la même misère.
Déracinés et vivant dans un milieu hostile, une grande solidarité
s’est créée entre les personnes qui débarquaient
dans les bidonvilles. Aujourd’hui, c’est un élément
essentiel dans le combat contre la pauvreté. Sans l’entraide et
les relations sociales, beaucoup ne pourraient pas survivre.
Les rapports sociaux sont du type de ceux que l’on peut entretenir entre
villageois mais ils sont accentués par la promiscuité urbaine.
Le bruit que fait l’autre est perçu comme un signe de vie et non
comme une agression. Si jamais on n’entend plus le voisin, tout de suite
on s’inquiète et on va le voir. Les femmes s’entraident pour
faire la cuisine et pour surveiller les enfants, pour qui le bidonville est
un immense terrain de jeu.
De plus, nous l’avons vu, les bidonvillois partagent souvent des zones
communes, éléments urbains catalyseurs des échanges sociaux.
C’est grâce à cette cohésion sociale que les habitants peuvent espérer améliorer leur quotidien et se faire entendre des autorités. Beaucoup de bidonvillois se sont en effet aperçu qu’ils pouvaient avoir du poids en se regroupant. Il est vrai que les bidonvilles sont au centre des convoitises électorales des partis politiques et peuvent se faire entendre par ce biais.
A la fois organisé et social, le bidonville est donc
un lieu d’activité où la baraque et la rue sont un espace
de travail et d’échange. La plupart de ce travail est informel
mais est créateur de ressources non négligeables pour les bidonvillois
et pour les citadins.
Le bidonville est un milieu très mouvant, en perpétuel développement,
et ses activités sont très flexibles. C’est donc une structure
vivante, à la fois adaptable et malléable.
Lorsque les habitants sont suffisamment organisés et motivés,
ils arrivent à se regrouper pour créer des associations et gérer
le bidonville comme on gère une ville. Villa el Salvador dans la banlieue
de Lima est une référence en la matière. Dans ce bidonville,
en unissant le travail de tous, en récoltant des fonds des organisations
internationales et en extirpant des aides gouvernementales, on a pu construire
une école, créer une sorte de cantine pour tous, paver des rues,
installer l’eau, etc. … Aujourd’hui beaucoup préfèrent
habiter à Villa el Salvador qui a une communauté soudée
plutôt que dans le centre de Lima qui est presque plus insalubre que ce
qu’est devenu le bidonville.
Le bidonville est majoritairement constitué d’une
population rurale. C’est donc une ville avec une traditionnelle plutôt
qu'urbaine. Quand on sait que la culture des villes des pays en voie de développement
est soumise à la mondialisation et que par conséquent elle s’occidentalise
peu à peu, on peut voir dans le bidonville un foyer de conservation de
la culture originelle du pays.
On assiste donc à «L'émergence de la culture du bidonville,
qui n'est pas une sous-culture ou bien encore une contre-culture, mais une culture
de la pauvreté avec ses formes d'expression (chant, musique, théâtre,
…), ses références, ses valeurs (la dignité y tient
une bonne place), et parfois une culture de la misère dont parle Oscar
Lewis et où domine la frustration.» C'est aussi le règne
de la débrouille, de l’entraide, des plaisirs simples. Le bidonville
est un lieu où capitalisme et individualisme n’ont pas encore pu
réellement pénétrer. Ceci est un constat qu’il faut
parfois nuancer car l’apparition de la télévision dans certains
endroits peut très rapidement modifier les manières de penser
et les modes de vie. Chaque nouvelle génération est de plus en
plus influencée par la ville et ses paillettes.
En outre, la délinquance, la prostitution, l'alcoolisme font malheureusement
aussi parti de ces cités où la joie est rare.
Aujourd’hui les bidonvilles qui se sont créés
durant la première partie du 20ème siècle sont pourvus
d’une véritable histoire et font référence à
une culture spécifique. Les favelas, qui existent depuis un siècle
et qui ont été le lieu de naissance de la Samba, ont pris un caractère
patrimonial. Il s’agit de conserver un bidonville, avec son architecture,
son ambiance, sa culture. A Rio, on entend parler "d’esthétique
des favelas", de "défi culturel", "d’architecture
des bidonvilles"…
A première vue, les baraques des favelas n’ont rien de grandiose
architecturalement parlant, pourtant des milliers de touristes viennent les
admirer tous les ans. « En effet l’architecture des favelas ne prend
toute sa puissance et son sens esthétique qu’en relation implicite
à une vie culturelle et sociale dont elle est le reflet. » Les
favelas ont par ailleurs inspiré et continuent d’inspirer de nombreux
artistes qui perçoivent dans ces taudis une énergie de vie, un
arc en ciel de couleurs, une cohésion sociale et une pointe d’espoir.
Le poète moderniste Carlos Drummad de Archade dans les vers suivants
parle du développement frénétique des favelas :
« Le temps passé à compter les favelas
Laisse à d’autres le temps de pousser… »
Quoiqu’il en soit, le bidonville est pour beaucoup de pays, un foyer de
résistance à l’acculturation. Il faut donc veiller à
conserver cet atout sans transformer le bidonville en musée.
Le bidonville peut être à bien des égards perçu comme un espace de transition, comme une étape dans le développement d’une société. Grâce à sa dynamique, sa solidarité et son aspect informel, il a en effet une capacité d’intégration plus large que celle de la ville formelle, surtout pour les plus démunis.
Le bidonville est en premier lieu le point de chute des paysans
qui fuient la pauvreté des campagnes. Non seulement les zones d’habitat
spontané représentent souvent la seule possibilité financièrement
viable, mais elles offrent surtout un mode de vie presque villageois relativement
proche de celui des immigrants. Le bidonville, avec ses "maisons"
familiales et ses relations sociales est par conséquent beaucoup moins
déstabilisant que la ville qui peut sembler surprenante et agressive.
En outre même si le bidonville est grand, son échelle est bien
plus humaine que l’échelle des grandes mégapoles des pays
en voie de développement. Sans une véritable culture de la ville
ces dernières sont en effet très difficiles à appréhender.
Le bidonville, tel un "village dans la ville" représente un
lieu rassurant et permet aux populations rurales d’apprivoiser la ville
progressivement, tout en gardant des repères.
Lorsque l’agriculteur arrive dans un milieu urbain, il doit changer de métier. Il se retrouve tout d’un coup dans une position de personne non qualifiée à la recherche d’un emploi. Sa condition sociale est alors complètement bouleversée. Encore une fois le bidonville va jouer un rôle d’intégration, grâce à son réseau informel qui va permettre aux migrants de s’adapter à un monde du travail différent du leur. En outre dans le bidonville, l’agriculteur se retrouve avec des pairs, il n’est donc pas aussi dévalorisé que dans le centre ville où le travail de la terre est souvent méprisé.
Les bidonvillois qui apportent bien entendu leurs bagages
culturels se trouvent confrontés à une société et
une culture différentes de la leur. Nous assistons donc à un conflit
entre deux cultures : entre une culture rurale et traditionnelle et une culture
urbaine et moderne. Dans les bidonvilles des pays développés,
c’est aussi un conflit entre des cultures de pays différents.
Les bidonvillois « se trouvent alors divisés entre deux mondes,
et consciemment ou non, ils veulent à la fois pouvoir utiliser le premier
et sauver le second. C’est ici que l’on comprend l’importance
du bidonville comme milieu absolument original de transition entre deux sociétés
» .
Cette transition se fait au sein même de la famille. Prenons l’exemple d’une famille d’agriculteurs ayant deux enfants d’une dizaine d’années qui décide de migrer en ville. Dans le bidonville vont naître deux autres enfants. Dans cette famille, les parents vont généralement avoir beaucoup de mal à s’intégrer dans le milieu urbain et risquent d’avoir une certaine nostalgie de leur passé. Les premiers enfants, quant à eux, sont suffisamment jeunes pour s’adapter relativement rapidement à leur nouvelles conditions de vie mais ils n’oublieront pas leurs origines. Enfin, les deux derniers grandiront dans une culture urbaine et auront énormément de mal à comprendre leurs parents. La première génération d’enfants va donc être extrêmement importante pour maintenir la cohésion familiale et pour faire le lien entre les deux cultures. Le bidonville est un peu à l’image de cette deuxième génération, c’est le "fils" du village et le "grand frère" de la ville.
En outre il ne faut pas oublier que les bidonvilles accueillent
généralement plusieurs types de population venant d’endroits
différents. Ces dernières ont tendance à se regrouper.
Cette répartition que l’on pourrait qualifier de ségrégationniste
est en fait un catalyseur pour une intégration plus rapide des personnes.
Les architectes Herpin et Santelli qui ont étudié le bidonville
de Nanterre le confirment : « Paradoxalement nous pensons qu’il
est nécessaire de regrouper les algériens afin de favoriser la
création d’un milieu culturel et social commun à tous et
d’accélérer leur insertion dans une société
de type moderne. »
Ainsi, Le bidonville permet un regroupement des communautés qui vont
peu à peu apprendre à se connaître, car elles partagent
un mode de vie similaire et parce que dans le bidonville, on a besoin de l’"autre".
Malgré toutes les disparités, le bidonville garde son unité et est donc un espace culturellement très riche.
Si l’on vient de voir que le bidonville peut être
considéré comme un espace de transition, il ne faut tout de même
pas oublier que l’on peut difficilement le qualifier comme tel aujourd’hui
car c’est une transition qui dure depuis trop longtemps et nous connaissons
bien peu d’exemples où le bidonville s’est résorbé
et où ses habitants ont cessé d’être des bidonvillois
pour devenir des citadins. La longueur des séjours dans les bidonvilles
est très grande dans la majorité des cas. De certaines études,
on remarque qu'environ un tiers de la population n'est là que depuis
moins de 5 ans , mais qu'un quart est présent depuis plus de 15 ans,
ce qui est très long lorsque l'on connaît la difficultés
des conditions de vie.
On pouvait peut être croire dans les année 70 que la bidonvilisation
serait une étape obligée du développement des villes du
sud. Aujourd’hui il paraît plus juste de dire que le développement
des zones d’habitats spontané se fait plutôt en parallèle
avec celui de la ville et qu’il constitue un entre-deux capable d’accueillir
une population que la ville n’arrive pas à intégrer.
Bien que l’habitat spontané soit issu de la misère
et rejeté hors de la ville, il fait sans aucun doute parti de l’espace
urbain. La pauvreté urbaine est de toute façon moins dramatique
que la pauvreté rurale. Néanmoins le « bidonville "fonctionne"
comme un village dans la ville. L’arrivée en ville inaugure le
processus d’urbanisation des mœurs. Ainsi, le bidonville constitue-t-il
un nouvel espace social, dans lequel se conjuguent les divers ingrédients
de la civilisation urbaine. »
Elhadji Diop rajoute que le « bidonville est une caricature moderne et
adaptée du village. » Adaptée, dans le sens où il
permet cette transition entre un monde rural et un monde urbain ; c’est
une sorte d’espace tampon qui évite la rupture trop brutale d’une
société et d’une culture.
A la différence des villes anonymes, on a un chez soi dans le bidonville.
« On s’approprie une maison, un quartier, une ville, pour une affirmation
de soi. Le lien entre modèle culturel et formes spatiales n’est
ni rigoureux, ni total. Le modèle dispose d’un degré d’autonomie
par rapport à l’espace. On peut utiliser ce lieu pour casser l’impact
d’un modèle culturel sur la disposition, mais on ne peut s’en
servir pour casser le modèle ou pour produire un nouveau modèle
culturel ».
Le bidonville ne peut pas être considéré
comme un quartier car il n’y a pas de continuité entre lui et la
ville. Nous l’avons vu, même lorsque il se situe contre la ville,
il se referme sur lui-même et les autorités urbaines préfèrent
l’éviction à une politique d’intégration. On
assiste donc à une rupture des tissus urbains et un clivage social entre
les deux parties.
Le bidonville serait donc plutôt un fragment de ville : il lui appartient
mais son développement et son organisation se font de manière
autonome. Néanmoins il existe une dépendance mutuelle entre la
ville et le bidonville.
Le bidonville est en quelque sorte le regroupement d’une communauté
qui tente de se protéger, de se serrer les coudes et de vivre sa propre
culture, ses propres traditions. C’est un peu une "gated communities"
de la misère. On peut d’ailleurs considérer que ces dernières
constituent aussi des fragments de villes. La question de la fragmentation urbaine
est large. D’un côté, c’est un phénomène
néfaste qui divise les populations et fait de la ville un espace de ségrégation.
D’un autre côté c’est l’évolution normale
des grandes agglomérations qui ne peuvent fonctionner et être vivables
que si elles se subdivisent.
Nous l’avons vu, le bidonville n’est pas forcément
ce qu’il paraît être au premier abord. Il est en effet bien
plus qu’un amas chaotique de baraques insalubres ou règne la misère,
l’insécurité et le désordre. Sans vouloir tendre
vers une vision admirative et naïve de la situation, le bidonville est
un espace d’espoir où les difficultés ont créé
une forte cohésion sociale et où une culture traditionnelle peut
survivre. C’est aussi un lieu où l’individu a sa place. D’ailleurs,
beaucoup de familles préfèrent vivre dans le bidonville plutôt
que dans un appartement exigu du centre ville qui propose un meilleur équipement
mais qui ne permet pas la même vie sociale. Ce constat est particulièrement
vrai dans les villes africaines.
Les habitants des zones d’habitat spontané souffrent beaucoup de
cette fausse image qui leur est donnée car elle accentue leur marginalisation.
Avant une réhabilitation concrète et physique, le bidonville a
donc besoin d’une réhabilitation de son image. Les bidonvilles
sont délaissés car ils n’ont pas de valeur pour les autorités
si ce n’est leur potentiel électoral.
Les favelas de Rio ont réussi grâce à des artistes et des
associations à se mettre en avant et à se montrer sous leur meilleur
jour. En 1959 par exemple, le film Orfeu Negro dans lequel la légende
d’Orphée se situe dans une favela idyllique (Filmé au morro
de babilonia), reçut la palme d’or et des oscars. Ce film permit
de faire découvrir les favelas au monde entier et ces dernières
acquirent alors une image bien plus positive. Les autorités prirent alors
conscience de la valeur des bidonvilles, et engagèrent une politique
de réhabilitation plutôt qu’une politique de destruction.
On est en droit de se demander dans certaines villes si le bidonville ne possède pas plus de caractères urbains que certains quartiers de la ville régulière. Dans cette agglomération, qu'est ce qui agresse le plus le paysage ? Où est la vraie ville ? Quel est l'endroit le plus humain ? Quelles voies doit prendre le progrès ? |
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Fig. 16 Bidonville brésilien |
Les sentiments et les besoins des bidonvillois sont bien entendu différents suivant leur localisation et leurs conditions ; néanmoins, on peut définir les points majeurs suivants d'après les études faîtes dans le monde entier.
• Le premier est la notion d’appartenance à un groupe et
à un lieu. Dans tous les témoignages, on retrouve ce « nous
» qui désigne l’ensemble de la population vivant dans le
bidonville. Leur référence n’est pas la ville dont ils se
sentent exclus mais bel et bien le bidonville qu’ils finissent parfois
par chérir comme une partie d’eux-mêmes.
• Le deuxième est la volonté commune d’avoir une maison
avec des murs solides et un toit étanche. Ceci est la préoccupation
et l’ambition principale des bidonvillois du monde entier, passant par
une reconnaissance du droit d'habiter. La maison constitue effectivement le
repère quotidien de la cellule familiale.
• Après ce besoin de protection évident, vient le besoin
d’eau. L’accès à l’eau est la doléance
la plus importante, surtout pour les femmes qui en ont toujours besoin. Le réseau
électrique est particulièrement apprécié aussi,
et notamment l’éclairage des rues qui amène un sentiment
de sécurité appréciable et l’impression de faire
partie de la ville. Ne plus être dans le noir revêt un caractère
symbolique non négligeable. Pour les bidonvillois, les autres équipements
et infrastructures sont secondaires et n’ont de raison d’être
que si les besoins principaux sont acquis. Le pavage des rues peut même
être mal perçu quand il s’accompagne d’une réduction
de l’espace privé et d’alignements.
• Le dernier point intéressant est que dans l’ensemble, les
bidonvillois souhaiteraient plutôt pouvoir améliorer leurs conditions
de vie plutôt que de déménager dans des appartements à
priori plus confortables. Il faut comprendre que quitter le bidonville signifie
pour beaucoup la perte de l’emploi et la perte du réseau social
auxquels ils appartiennent.
De la ville, le bidonville a la proximité et la densité ; par contre il lui manque les équipements, les infrastructures et les ponts avec la ville. Néanmoins, il forme une unité organisée, dynamique, vivante et relativement soudée qui lie le monde de la ruralité et celui de l’urbanité. Le bidonville est un fragment de ville, pauvre par la misère qu’il abrite, et riche par la culture et la vie sociale qu’il développe.
Le bidonville doit-il rester un fragment de ville ? Faut-il intégrer le bidonville dans la ville au risque de le noyer dans la masse urbaine ou est-il important qu’il garde une certaine spécificité ? La réponse est certainement entre les deux. Le bidonville doit pouvoir se transformer en quartier de ville, c'est-à-dire accéder aux équipements minimums qui permettront à ses habitants une vie beaucoup plus décente tout en gardant son tissu de maisons individuelles qui engendrent des rapports sociaux forts et en conservant son caractère d'espace tampon .
Bref, il faut que le bidonville perde son caractère de bidon, problème
quasi matériel et technique, et développe son caractère
intrinsèque de ville.